A travers... La Paléontologie

L'Extraordinaire aventure de GILKY



- Cependant, Gilky eut bientôt une autre frayeur du même genre : Elle n’atteindrait certainement pas le soleil, car elle heurterait auparavant une petite boule qui roulait gauchement vers elle. Mais elle s’aperçut que le choc serait évité : elle passerait seulement très près. Gilky décida de profiter de cette proximité pour étudier la boule. Elle était rassurée et sa curiosité était éveillée.

Cette boule était la terre et il faut avouer que son aspect était bien fait pour attirer l’attention de la petite comète.

« Une goutte d’eau ! s’écria Gilky ».

Elle avait raison.

Le globe terrestre ne présentait qu’une surface recouverte d’eau. La terre tournait sur elle-même avec rapidité, mais il était impossible de s’en apercevoir, car l’œil n’avait aucun point de repère. Une désolante uniformité était donc le lot de cette boule, et Gilky rit de sa frayeur passée. De lourds nuages roulaient très bas à la surface des flots et auraient masqué tout spectacle à des yeux tels que les nôtres, mais ils ne gênaient nullement la petite Gilky. Cette couche épaisse de nuages arrêtait tous les rayons du Soleil, mais les diffusaient sur toute la surface, si bien que même le côté opposé du soleil était éclairé. Le jour était perpétuel sur la Terre à cette époque, la nuit était inconnue. Il n’y avait pas de saisons non plus : il régnait en tout temps une chaleur épouvantable qui faisait fumer la mer. C’était un spectacle de désolation infinie …

Désireuse de trouver malgré tout une trace de vie, Gilky avait tourné la tête vers la terre pour pouvoir l’examiner plus longuement (1) si bien que lorsque la boucle d’eau fumante fut trop éloignée pour qu’elle puisse distinguer quelque chose - quelque chose qui n’existait pas ! - et qu’elle reprit son chemin, Gilky s’aperçut qu’elle avait fait volte face, qu’elle s’éloignait du Soleil et repartait vers son point de départ.

« Voici donc, se dit-elle, une nouvelle confirmation de mon indépendance : je peux à mon gré changer de direction, regarder de ci, de là, m’attarder à un spectacle intéressant … la vie est belle pour une comète ! ».

Elle s’éloigna donc de la terre, puis elle quitta bientôt le système solaire. Bien que sa tête soit toujours tournée vers le soleil elle s’en désintéressa; trop de choses nouvelles sollicitaient son attention : les myriades d’étoiles, les bolides qui la frôlaient parfois dangereusement ou passaient dans sa chevelure, sans toutefois en compromettre l’harmonieuse arrangement, le tapis opalescent de la voie lactée, les nébuleuses lointaines, tout ce qui scintillait, tout ce qui palpitait, plein d’une vie jeune et active …

Elle atteignit ainsi un point très éloigné d’où le soleil n’était plus qu’une étoile perdue parmi des milliers d’autres. Alors elle fit demi-tour et reprit le chemin qu’elle avait déjà parcouru.



(1) On sait que les comètes, dans leur course ellipsoïde, tournent toujours leur chevelure, ou queue, dans une direction opposée à celle du soleil par rapport à leur tête,  au noua. Gilky était donc parvenue à son point le plus rapproché du soleil ou périhélie. Le point le plus éloigné est l’aphélie.

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        Elle croyait avoir pu braver impunément les lois de l’Univers, elle dût convenir qu’elle devait se soumettre, comme les autres. Mais cette révélation l’affecta beaucoup moins que l’on aurait pu s’y attendre ; sa robuste philosophie la consola de ces vains rêves d’indépendance. Et puis, maintenant qu’elle savait tout danger écarté, elle n’était pas mécontente de revoir l’étonnant manège et cette petite boule d’eau fumante.


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CHAPITRE II




- Cette fois encore, Gilky passa tout près de la terre. Le spectacle avait bien changé depuis son premier voyage, il y avait quelques milliers d’années terrestres.

Il y avait toujours beaucoup de nuages, mais des éclaircies permettaient d’entrevoir la surface. Il y a toujours beaucoup d’eau, mais, par ci, par là, quelques îlots apparaissaient. Ce qui surprit Gilky au-delà de toute expression, c’est que sur cette boule d’eau chaude, la vie avait pris naissance, elle était répandue partout, elle fourmillait au sein des mers, elle couvrait les ilots.

La Terre en était alors à l’époque primaire et de cette boule de feu recouverte bientôt par un immense déluge, la vie avait germé, elle s’était multipliée à l’infini, elle submergeait tout…

La mer était encore chaude, et elle contenait déjà une profusion de Polypiers qui entouraient les îlots émergés de magnifiques récifs. Ils étaient répandus partout, aussi bien au pôle qu’à l’Équateur, car la température, sans l’épaisse couche de nuages, était partout la même. Certains de ces polypiers étaient semblables à des dents de scie, droits ou enroulés en spirales élégantes. D’autres formaient des colonies groupées souvent autour de l’étui protecteur d’un ver ; d’autre enfin formaient une petite boite avec son couvercle et ce dernier pouvait s’ouvrir en tournant autour d’une charnière latérale.

Mais les hôtes les plus nombreux de la mer étaient sans contredit les trilobites, sortes de cloportes marins, recouverts d’une carapace articulée, mais qui ressemblaient aux crustacés en ce qu’ils respiraient à l’aide de branchies.

La mer contenait encore bien d’autres êtres intéressants, en particulier des poissons qui ressemblaient aux formes actuelles, mais dont le corps était recouvert de plaques osseuses.